Oxygen, agence RP
Notre podcast - 19 décembre 2022

Let’s com #5 : Faire des RP à l’international

Pourquoi et comment exporter ses relations presse à l’international ? Comment travaillent les médias, selon les zones géographiques ? Quelles sont leurs attentes, et comment obtenir le maximum de visibilité ? De la Chine aux États-Unis, en passant par l’Europe, Maïwenn Régnault, Directrice conseil chez Oxygen, partage son expertise et des exemples. 

Retranscription du podcast :

Aujourd’hui, Let’s come vous emmène en voyage avec pour guide notre invitée, Maïwenn Regnault, directrice conseil chez Oxygen. Avant de poser ses valises en France, Maïwenn a réalisé une partie de sa carrière à l’international, aux États-Unis notamment, où elle a contribué à implanter Oxygen.

À quelques jours de l’ouverture du CES de Las Vegas, qui est le rendez-vous de la tech et de l’innovation, Maïwenn partage avec nous sa vision et son expérience DRP à l’international. 

Anne : Hello Maïwenn. 

Maïwenn : Bonjour Anne.

Anne : Première question, faire des relations presse dans un autre pays que la France, qu’est-ce que ça change ?

Maïwenn : Autant le métier reste plus ou moins le même, on pourra rentrer dans les détails tout à l’heure en fonction des pays, mais si on prend notamment Amérique du Nord, Europe, on est sur une même base de métiers, mais dans nos métiers, il y a un énorme enjeu culturel qui rentre aussi bien dans les messages que dans le relationnel, que dans la façon de faire, et donc en fait, il faut localiser toutes ces RP et toutes ces façons de faire, et connaître vraiment la culture de chaque marché qu’on va aller toucher. 

Donc d’un côté, il y a des pratiques qui sont similaires, et de l’autre côté, il y a quand même une énorme part qui est très différente, parce que très liée à la culture et au pays. 

Anne : Chaque pays, en quelque sorte, s’est coutume ? 

Maïwenn : Tout à fait. Au sein de l’Europe, on ne va pas avoir la même façon de faire en France qu’en Allemagne, qu’au UK, qu’en Espagne ou même aux Pays-Bas. Le Canada et l’US fonctionnent de la même manière. L’Asie ne va pas fonctionner pareil en Chine ou au Japon, et l’Afrique, c’est exactement pareil.

Alors on peut définir des zones, plutôt effectivement le Maghreb, l’Afrique francophone, l’Afrique anglophone, mais chaque pays a tellement de spécificités, a une histoire qui lui est propre, a une actualité qui lui est propre, qui fait qu’on ne peut pas considérer chaque continent comme un tout.

Quand on travaille avec des clients à l’international, qu’on ait plusieurs agents justement par pays, c’est important, et on le fait souvent, de se réunir régulièrement pour échanger justement sur les bonnes pratiques, sur les sujets qui marchent d’un côté, ou pas, de l’autre, parce qu’on peut quand même s’inspirer des tendances et des sujets qui arrivent, mais il ne faut pas dupliquer mot à mot, action par action, en fonction des pays. Il faut tout localiser, tout personnaliser sur le pays.

 Quand on est sur du long terme, quand on veut vraiment créer de la relation avec les journalistes, quand on veut développer une stratégie de RP propre à chaque pays, il faut à minima avoir dans son équipe des personnes qui sont dans la culture du pays, qui connaissent, qui font la veille du pays, qui connaissent toutes les actualités, qui savent anticiper justement toutes les opportunités de prise de parole, qui connaissent les salons, etc. 

Chez Oxygen, on a des profils qui ont soit vécu pendant longtemps à l’étranger, soit qui viennent de l’étranger. Je penses à une de nos consultantes qui est belge, qui a vécu aux Pays-Bas, et qui est en ce moment même en train de former un directeur général d’un de nos clients, sur comment aborder ses interviews avec un journaliste belge, même si c’est en français, prendre en compte de la même manière la culture belge.

 On a aussi une consultante qui a vécu longtemps en Espagne et qui nous aide aussi sur cette compréhension, l’échange avec des journalistes où là on est complètement du côté latin. Par exemple, on va parler à un journaliste espagnol, il faut y mettre toutes les formes d’être capable de blaguer, de parler un petit peu à côté du travail, etc. La relation interpersonnelle est très importante avec ces journalistes.

La plus grosse différence aujourd’hui, elle porte entre les médias occidentaux et les médias orientaux, et notamment la Chine. La Chine a vraiment un fonctionnement RP qui lui est très spécifique. C’est-à-dire qu’en Chine, on paye les journalistes pour avoir un article, ce qui n’est pas le cas dans nos pays.

Au niveau occidental, on n’est pas du tout dans ce cas de figure parce qu’on ne paye pas les journalistes. Donc, on a un budget pour fournir du temps, fournir du travail, fournir, donner des moyens pour atteindre des résultats qui sont au bon vouloir des journalistes en fonction de leur actualité. Donc, il y a déjà une très grosse différence sur ces zones-là, si on part sur les grandes zones. 

Ensuite, il y a beaucoup de différences, je ne pense pas que je pourrais toutes les citer, mais je vais prendre un exemple qui n’est pas tant Europe-Amérique du Nord, mais qui est plus pareil, modèle anglo-saxon et modèle latin, par exemple. Avec les Américains, les Anglais, il faut aller vite et aller droit au but. En France, comme en Italie, comme en Espagne, on va avoir tendance à approcher les journalistes, à faire des mails, à faire des communiqués de presse, on fait des belles phrases et tout est toujours un peu long. 

On est beaucoup dans ce relationnel, même par écrit, alors qu’au niveau anglo-saxon, c’est très bien. Un mail, je te pose une question, je te réponds « yes » ou « no ». Et je sais que moi, ça m’avait beaucoup surpris au début, quand je suis arrivée aux États-Unis, c’était de faire mes mails à la française avec « tu vas bien, je te propose ci » et puis « on peut faire ça », et où le journaliste me répondait juste « yes, when ». C’est juste « straight to the point », comme on dit en anglais. Il faut gagner du temps sur tout, même sur l’écriture d’un mail.

Voilà, ça c’est une des plus grosses différences que j’ai pu remarquer notamment. 

Anne : Alors restons aux États-Unis, puisque tu as longtemps travaillé avec les médias américains. Quelles règles à suivre donnerais-tu à un novice ?

Maïwenn : La première qui est basique, mais qu’on rappelle toujours parce qu’elle n’est pas si évidente que ça, oublier son côté français, c’est-à-dire lui parler de chiffres américains, lui parler de ce qui se passe dans son pays.

 Lui, les chiffres de développement de la France, etc., il s’en fiche. Mais comme dans l’autre sens, un journaliste français va s’intéresser à une entreprise américaine sur ce qui se passe sur la France, donc vraiment localiser tout le discours avec des chiffres, avec ce qui va intéresser le journaliste américain. Une autre anecdote que j’aime bien raconter, parce que moi je la trouve assez drôle, c’est localiser aussi les exemples et les références qu’on prend.

 Je me suis fait avoir également à mes débuts, je discutais de manière amicale avec 2-3 journalistes et puis je ne sais plus à quoi je faisais référence, mais je leur disais « Ah bah oui, c’est comme Lucky Luke et Jolly Jumper », persuadés que l’américain connaissait Lucky Luke et Jolly Jumper. Ils m’ont regardée avec des yeux en me disant « Mais c’est qui, Maywen ? » Et en fait, j’ai réalisé que c’est une référence très belge-française, peut-être européenne, mais en fait ils n’y connaissaient rien. Donc se préparer aussi à trouver des comparaisons, des références qui leur parlent à eux.

Et ensuite, je reviens sur ce que je disais tout à l’heure, mais c’est vraiment aller droit à l’essentiel. 

De la même manière, il ne faut pas s’offusquer parce qu’il y a moindre ondeur dans la relation, on est là pour une raison, on a une demi-heure, on le fait en une demi-heure, terminé, au revoir. 

Anne : As-tu un exemple de réussite en tête ? 

Maïwenn : Un des premiers exemples qui me vient en tête, c’est Guillaume Roland, avec qui on a travaillé pendant 2-3 ans sur 3 CES différents, qui était fondateur d’entreprise à 18 ans et qui a fait son premier CES avec son entreprise qui a été rachetée depuis, mais qui s’appelle SensorWake, qui est venu vers nous et nous a dit « dites-moi comment faire, vraiment je vous écoute ». 

Donc on a médiabriffé avant d’aller au CES et honnêtement, on a bien fait, alors pas à cause du médiabriffing, grâce à son produit, il a eu un énorme succès, il a enchaîné, enchaîné, enchaîné des interviews avec la presse, notamment la presse US, et en fait, comme il avait bien les codes, ça lui a permis d’être efficace dans son message, justement d’aller droit à l’essentiel, d’avoir préparé sa démo comme il fallait, d’avoir ses chiffres comme il fallait justement pour le marché, et ça lui a permis notamment aussi de passer dans Good Morning America, je crois que c’est ABC, qui est en fait la première émission télé matinale des États-Unis.

Le produit est très intéressant, mais il est très, très bien passé en fait en interview, parce qu’il avait compris ses enjeux et de s’adapter en fait à son interlocuteur en face, il a travaillé son anglais, il a su capter à chaque fois les journalistes en même pas deux minutes, et comme ce sont des journalistes qui vont vite, qui ont besoin d’aller vite, qui ont besoin d’avoir l’info rapidement, en fait, comme il a su amener les choses très, très rapidement, il les a emmenées avec lui, et ça lui a permis derrière, justement, que les journalistes lui disent « Ok, allez, je me libère une demi-heure pour discuter avec toi et en savoir plus. » 

Anne : Oxygen est présente au CES depuis presque dix ans, est-ce que tu peux faire un flashback, même rapide ? 

Maïwenn : C’est beaucoup de startups avec lesquelles on a travaillé vraiment à l’essor de la French Tech, c’est-à-dire la French Tech existe encore et est énorme, mais il y a eu un énorme suivi médiatique au démarrage de la French Tech, donc on était autour de 2014, entre 2014 et 2017-2018, à peu près. Les journalistes américains notamment, mais pas que, faisaient très attention aux startups françaises, aux innovations, etc., et il y a énormément de startups qui sont allées au CES et qui ont énormément bénéficié de ça et de la couverture médiatique.

Je pense à une très belle boîte d’enthèse aussi qui s’appelle Divin, et avec qui aussi on a fait du CES, qui n’étaient pas encore présentes sur le marché US, mais qui sont venues faire le CES, et ça leur a permis d’enclencher beaucoup de rendez-vous avec des investisseurs, avec des hôtels aux États-Unis, avec des événements. Divin était très transparent en disant « là on fait tout, on est en train de chercher des distributeurs pour être disponibles aux États-Unis dans l’année ». Donc ça donne une perspective, c’est un moment aussi où OVH a fait, et on a bossé avec eux aussi sur l’Amérique du Nord, donc Canada, US, et quand ils sont arrivés aux US, c’était l’européen qui allait batailler avec Amazon, avec Google. Le fait de communiquer leur a permis aussi d’ouvrir des portes sur l’Amérique du Nord.

Il n’y a que effectivement dans le cas des salons, mais en même temps il faut le garder en tête parce que c’est trouver l’occasion pour faire parler de soi l’international, et le CES en est un des meilleurs exemples quand on est dans l’innovation et la tech. Je connais plein de clients qui n’avaient pas un tiers au Japon, mais qui ont fait parler d’eux au Japon grâce au CES, parce que le journaliste avait adoré l’innovation. 

Anne : Aujourd’hui, à quoi ressemble le CES sur le plan médiatique après la période du Covid ? 

Maïwenn : Le CES qui va être très intéressant cette année, c’est de voir justement aussi comment le CES se renouvelle.

Après l’édition 2021 qui était complètement en ligne, c’était très compliqué. Après une édition 2022 qui a été hybride, mais qui s’est vraiment ressentie dans les chiffres, ils ont fait trois fois moins de visiteurs, deux fois moins d’exposants. Cela dit, les retours de l’édition de l’année dernière sont très bons, parce qu’en fait la plupart des exposants et des gens qui y étaient, ont trouvé que c’était devenu plus qualitatif. 

Pendant quelques années, c’est vrai que le CES, ça reste un événement incontournable, mais on partait un peu sur la foire fouille de l’innovation. Et là, apparemment ça a vraiment recentré, c’était plus qualitatif dans les entreprises qui étaient présentes, dans les rendez-vous business, dans les échanges, parce que moins fouillis, justement moins massifs. Néanmoins, même l’année dernière, il y avait quand même 1800 journalistes internationaux. 

Donc ça reste une énorme plateforme de visibilité internationale. On n’enlèvera jamais ça au CES. 

Anne : Et à ceux qui voudraient se lancer ou poursuivre l’aventure à l’international, quelles questions doivent-ils se poser avant de démarrer ? 

Maïwenn : La première vraiment à poser, c’est sur quel marché, sur quel pays je veux être et pourquoi.

Pourquoi ? Parce que je suis français, mais j’ai besoin d’un rayonnement international, parce que je veux aller chercher des investisseurs internationaux, je veux aller chercher des clients internationaux. Oui, l’international, c’est très large. Et quand on me dit ça, oui, je peux très bien aller parler à un journaliste japonais, qu’à un journaliste portugais, anglais ou américain.

Donc affinons déjà, est-ce que vous avez des choses à dire sur ce pays ? Si on n’a rien à proposer dans le pays qui intéresse, on pourra essayer tout ce qu’on veut, on n’arrivera pas à avoir des résultats, en tout cas en relations médias, parce qu’on n’aura pas la matière qui intéressera le journalisme. Dans ce cas-là, on recommande de travailler d’abord peut-être les réseaux sociaux, de travailler plutôt le business, les salons, les événements. Il y a plein d’autres moyens pour aller toucher ces cibles et ensuite partir sur des relations presse.

Si on veut se casser la figure à l’international, c’est les deux choses à ne pas faire. Y aller tout azimut et y aller alors qu’on n’a rien à dire sur le pays concerné. La troisième question porte effectivement sur les porte-parole, parce que c’est très, très important. 

Est-ce que vous avez un speaker pour ce pays et qui est-il ? Parce que justement, ça nous permet de savoir le niveau de préparation qu’il y a à faire. C’est mieux s’il y en a un sur place. S’il n’y en a pas, ce n’est pas dramatique, mais il faut effectivement que le porte-parole désigné soit prêt, aussi bien au niveau langage, messages, prêt culturellement aussi. Surtout quand on est sur des différences culturelles.

Et ensuite, la quatrième question qui est aussi importante, c’est quel budget ? C’est du travail, c’est du temps, donc il faut aussi prévoir le budget. 

Anne : Oui, bien sûr, on ne peut pas franchir les frontières sans moyens.

Alors en résumé, une stratégie, un budget adapté, une info localisée et un speaker préparé, une bonne équipe. Et ça y est, on est prêt à lancer une campagne de relations médias à l’international. 

Maïwenn : Tout à fait.

Anne : Merci Maïwen.

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