Oxygen, agence RP
Tendances - 25 mars 2015

« La presse va mal, mais les médias vont bien… » Pascal Chevalier, patron de Reworld Media, nous livre son analyse

La presse est en crise. C’est du moins ce que nous autorisent à penser les derniers chiffres du secteur et les cris d’alarme lancés à intervalles répétés par ses représentants. Les principaux groupes de presse français ont effectivement affiché un chiffre d’affaires en recul en moyenne d’environ 7% en 2013.

Pour survivre et se développer dans un contexte bouleversé par la révolution numérique, les rédactions passent au digital pour favoriser les contenus plurimédias. Quelle répartition et quels investissements faire entre le print et le web ? Quelles offres purement web, gratuites, ou payantes, quels sites développer ? Quel cross-média envisager et quelles activités annexes développer ? Moderniser ou rénover les marques, lancer de nouvelles formules, de nouveaux titres… ? Voici le rapide aperçu du panel des choix stratégiques qui s’offrent aux médias aujourd’hui.

Alors… crise ou une simple étape vers une mutation imposée par les avancées technologiques, numérique en tête ? OXYGEN avait rencontré Pascal Chevalier en avril 2014. Notre objectif : mieux connaître le patron de Reworld Media et échanger avec lui sur sa vision de l’évolution des médias. 

« Focus sur Pascal Chevalier, patron de ReworldMedia »,

Reprendre un titre de presse en berne et vouloir en faire une marque rentable, c’est le pari audacieux que s’est lancé Pascal Chevalier il y a trois ans.

Pascal Chevalier n’est pas issu du milieu de la presse, mais il maîtrise le digital et les médias sociaux : Je suis dans le web depuis 1997, donc j’ai eu la chance de vivre cette formidable aventure depuis la naissance, puis la bulle et enfin la croissance durable du web. Il a repris Netbooster en 2005 et a connu une croissance très rapide, multipliant par 20 le chiffre d’affaires, par 15 les effectifs, développant l’activité dans 12 pays… Surfant sur la croissance du référencement, des achats de mots clés Google et du digital marketing, il en a fait un leader européen.

C’est avec la même ambition qu’il s’est lancé dans les médias et a créé le groupe Reworld Media.

Il a d’abord repris Marie France, et Gourmand. Pour lui, il semblait nécessaire de : repenser le modèle, celui des médias et pas seulement de la presse, essayer de le voir différemment, ne pas dire que ce marché est en déclin, au contraire, qu’il peut avoir beaucoup de croissance. Si le marché est en crise, c’est qu’il n’a pas assez innové, il faut penser « industrie des médias ». Par exemple, une personne est lectrice quand elle a un magazine papier dans les mains et elle est consommatrice avec une application mobile… Reworld Media est un groupe média qui a mis le digital et la croissance au cœur de sa stratégie. Nous profitons d’un marché en rupture (culture print vers la culture digital), pour opérer une croissance rapide en reprenant des « marques media » et en allant très vite sur l’innovation digitale et l’international afin de profiter pleinement de la croissance de ces marchés

En 2014, Lagardère a choisit ce patron de presse atypique pour reprendre ces 8 titres déficitaires : Be, Pariscope au format papier, Maison & Travaux, Le Journal de la Maison, Campagne Décoration, Mon Jardin Ma Maison, Auto Moto et Union. Pascal Chevalier souhaitait conquérir le marché de l’Extrême-Orient, notamment Singapour, la Malaisie, Taïwan et Hong Kong, pour ensuite étendre son développement en Indonésie, en Thaïlande, en Corée du Sud, au Japon et en Chine avec le magazine Marie France Asia, et le site internet Mariefranceasia.com. Sa plus forte conviction réside dans la valeur des marques : Il est beaucoup plus facile de rajeunir des marques que d’en créer, c’est pourquoi nous procédons par acquisitions. Tout le monde connaissait Marie France, une marque forte mais dont le lectorat vieillissait et n’allait pas lire le titre sur internet. Nous l’avons rachetée et, en moins d’un an, nous avons lancé des sites web, des newsletters, des applications mobiles et du hors média. Nous avons réussi à rajeunir cette marque et aujourd’hui plus de la moitié de l’audience vient du digital. Nous avons pratiquement doublé le lectorat en conservant les anciennes lectrices et en en gagnant de plus jeunes sur les nouveaux supports. La qualité éditoriale est toujours aussi bonne, mais nous l’avons diffusée là où le lectorat se trouve désormais, c’est-à-dire sur le digital.

Pascal Chevalier a revu le business model pour ses titres, pour ne pas entrer dans la course à l’audience et se focaliser sur un modèle publicitaire classique de bannières ayant une valeur web baissant inexorablement avec l’arrivée des plateformes d’automatisation, les ad-exchange. Il a cherché d’autres formes de monétisation, tout en restant sur des contenus et des audiences qualitatives qui se monétisent bien, via le « brand content » et en proposant des programmes de fidélisation via des newsletters: par exemple, nous avons des newsletters Marie France, Marie France Beauté ou Marie France Mode, autant de programmes de fidélité intéressant les annonceurs. Il faut y ajouter les nouveaux métiers, le mobile, le e-commerce et le hors média. Nous allons ainsi ouvrir des pop-up store, des boutiques Marie France, à Saint-Tropez et Paris, dans lesquelles on retrouvera des créateurs de mode sélectionnés par la rédaction. Sur tous ces canaux, c’est la même marque qui parle. De plus, nous investissons toujours dans le papier et nous lançons en mai 2014 une nouvelle formule de Marie France. L’idéal est que la moitié des revenus provienne du print et l’autre du digital.

Nous suivons de près ce boulimique du challenge, de l’accompagnement du changement des « business models »,qu’en est-il pour Pascal Chevalier aujourd’hui ?

Aujourd’hui, sa récente prise de participation chez Tradedoubler fait de Reworld Media le 2e groupe media digital, derrière Axel Springer, avec 260M€ de CA. Il est présent en France mais aussi en Espagne et en Asie, avec une équipe à Singapour. Il a parfaitement réussi à intégrer les 8 titres repris à Lagardère avec le même business model : des marques fortes permettant d’investir le digital, le hors-média et le e-commerce. Il a constitué trois pôles thématiques (féminin – avec Be, Marie France et Vie pratique féminin -, décoration – avec Maison & Travaux, Mon jardin Ma maison, Le Journal de la maison et Campagne décoration -, cuisine – avec Gourmand et Papilles – et lifestyle – avec Auto Moto et Pariscope), a transversalisé des fonctions comme la vidéo, dans laquelle il investit massivement sur des formats de 30 secondes à 4 minutes. Les événements réels comme l’opération L’Escabeau by Marie France à Saint-Tropez, ont connu de véritables succès et seront reconduits. Pour Pariscope, c’est plus complexe, car il ne possède que la version papier, mais nous ne doutons pas qu’il trouvera les idées pour se développer au-delà du site internet et utiliser la marque comme support pour promouvoir les sorties et spectacles sur le plan national et pas uniquement dans la capitale. Le titre Be est devenu une marque internationale, elle connait une croissance forte en Chine. Reworld Media  ambitionne de réaliser 50% de son CA à l’international. Pour le titre Maison et Travaux, là encore le pari de faire exister la marque sur le hors média a été gagnant ; la création du Salon Maison et Travaux a connu une très bonne fréquentation et sera renouvelé, et un nouveau Grand prix de la rénovation va être lancé. D’un côté des vidéos pour montrer au public comment utiliser les produits pour rénover sa maison, de l’autre un Salon pour que le public vienne voir et essayer.

On est très loin du magazine papier, mais finalement, Pascal Chevalier a peut-être trouvé la bonne recette pour que les ventes et les abonnements se poursuivent, permettant ainsi à ces titres de vivre et de prospérer.

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